CLUB des UTILISATEURS du JAO SYSTEME

Dégalindade de Bédarrides

 Ça n'arrive pas qu'aux autres!

Janvier 2000 - article paru dans le bulletin N°10 

 Voici une anecdote ferroviaire amusante, qui montre que les problèmes des modélistes se retrouvent parfois dans la réalité.
En 1994, M. Galindo, conducteur de route au dépôt de Paris, est en charge du TGV 852 de Montpellier à Paris. Peu après la gare d’Avignon, il constate une fuite à la conduite générale qui immobilise son train aux environs de la station de Bédarrides. Il part à la visite du convoi et découvre, effectivement, une fuite d’air au niveau de la motrice 2. Il ouvre le nez de celle-ci et manœuvre à tâtons un robinet. La fuite s’arrête, il revient ensuite en cabine de conduite, avise le régulateur de l’incident et reprend sa marche. Un quart d’heure plus tard, le TGV 824 en provenance de Marseille s’immobilise derrière une rame TGV à l'arrêt en pleine voie. Au bout d’un moment, ne voyant rien bouger, le conducteur du 824 appelle le régulateur pour s’informer des causes de l’incident. Stupeur du régulateur, le TGV précédent est le 852 et ce dernier a été signalé à Orange avec 10 minutes de retard.
Il est demandé au conducteur du 824 d’aller voir ce qui se passe en tête de ce train et là, autre surprise, pas de conducteur et les clefs de marche rangées dans leur boite : la cabine n’est pas active. Informé, le régulateur appelle le 852 vers Bollène pour lui demander "s’il n’a pas perdu quelque chose !". Le mot célèbre d’un général d’Empire est prononcé sur le circuit radio : le 852 a perdu ses voitures 11 à 18.
Sortir de ce mauvais pas n’est pas une mince affaire car le 824 est constitué d’une UM. Arrive derrière lui le 844 de Nice en US cette fois. Il est donc décidé de couper sur place le 824, de raccorder les voitures 1 à 8 à la seconde rame du 852 et de raccorder le 844 sur la queue du 824. Ainsi, on a constitué 2 UM.
Le casse-tête sera de retrouver les voyageurs en gare de Paris. Ceux partis au 852 dans les voitures 1 à 8 sont bien arrivés avec ce train, ceux des voitures 11à 18 de queue se sont retrouvés en tête du 824 en provenance de Marseille. Les clients montés en queue du 824 se retrouvés en tête du 844 venant de Nice et ceux du 844 dans le bon train mais en queue !

Que s’est - il passé ? Un certain nombre fautes professionnelles graves ont été commises. L’origine de l’incident est bien une fuite fortuite au niveau de l’attelage automatique. En manœuvrant "au hasard" un robinet, le conducteur a provoqué l’alimentation du vérin de désaccouplement. Il a omis de vérifier son attelage dont les coupleurs électriques étaient reculés et en tous les cas de faire une vérification du frein indispensable après toute intervention sur la conduite générale. Le défaut provenant de la motrice 3, la séparation des attelages a entraîné la disparition de la fuite avec la conclusion hâtive du conducteur.

Un tel incident ne pouvait passer inaperçu. Le service du matériel ne voulant pas assumer la moindre responsabilité s’empressa de raccrocher les deux rames en cause et les remettre immédiatement en service commercial. Quant à notre pauvre conducteur, il ne voulut jamais admettre son erreur. A ses yeux, la rame s’était décrochée toute seule !
Il fut placé au service des navettes durant quelques semaines, puis revint au TGV, mais devant les railleries et les quolibets de ses collègues, il décida de ne plus rouler et finit sa carrière au service intérieur d’où il partit discrètement à la retraite un an après.
Les journaux locaux trouvèrent là de quoi remplir leur page "faits divers". Avec les connaissances ferroviaires pointues des journalistes du cru (de plus, nous sommes dans le midi !), nous avons des versions les plus fantaisistes de cet incident hors du commun.
Nous avons beaucoup ri de cette histoire car, en block automatique, elle ne porte à aucune conséquence sur le plan de la sécurité. Il en aurait été autrement en block manuel car la séparation des coupleurs entraîne automatiquement l’allumage des feux rouges et le chef de gare aurait rendu voie libre en toute légalité à la gare précédente. Je vous laisse deviner les conséquences d’une telle bévue.

Au dépôt de Paris le vocabulaire s’est enrichi du mot "dégalindage" du nom de son auteur M. Galindo. Lorsqu’on demande à un conducteur de Paris de "dégalinder" deux rames, il sait ce qu’il lui reste à faire ! .

Texte de Jean-Pierre CHABERT

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