CLUB des UTILISATEURS du JAO SYSTEME

HISTOIRE DU TRAIN JOUET (1ère partie)

Septembre 1999

Vous avez été nombreux à apprécier l’article sur "le Pont Marcadet", la suite sur un registre moins personnel sera l’histoire du train jouet. Il est extrêmement difficile de résumer en quelques lignes un siècle de jouets consacrés aux trains et dont Clive Lamming a écrit un ouvrage de 200 pages. Je ferai cette étude en deux épisodes, a savoir l’histoire du train jouet et l’image qu’il reste de nos jours de ces pièces en tôle peintes pleines de charme et de naïveté.

Aujourd’hui, le modélisme ferroviaire intéresse un nombre de personnes de plus en plus restreint. Dans cet article, nous allons nous intéresser au temps où le train électrique était le jouet n°1 des petits garçons.
Trois grandes firmes se disputaient les convoitises des enfants. La plus importante était la marque JEP. Comme je vous l’ai dit dans "le Pont Marcadet", mon père tenait un petit commerce d’articles de ménage; il se fournissait auprès de la SIF (Société Industrielle de Ferblanterie), cette société étant propriétaire de la marque JEP, mon père avait des réductions sur les trains, j’ai donc eu un train JEP comme beaucoup à cette époque.
Dans cette étude nous allons voir les aspects techniques et sociaux de ces fabrications disparues mais dont certaines pièces peuvent atteindre des prix astronomiques dans les salles de ventes.

1. Bref historique du train jouet.
Le principe de fabrication de ces trains est la tôle lithographiée. Les premiers trains jouets étaient simplement faits pour être tiré par une ficelle et rouler sur le plancher. Des fabrications plus élaborées possédaient des rails et des locomotives à mouvement à ressort. Simple, robuste de fabrication et bon marché, elles ont fait le bonheur des enfants jusqu’à la fin. Toutefois, le train mécanique partait à toute vitesse sur le réseau (souvent limité à un rond de rail ), puis s’arrêtait après 3 ou 4 tours et il fallait remonter le ressort.
Plus élaboré, mais aussi beaucoup plus cher, le train à vapeur avait un fonctionnement plus long. La vapeur vive chauffée par un brûleur à alcool poussait les pistons comme dans la réalité, l’échappement se faisait à la sortie du tiroir, laissant l’eau et l’huile résiduelle se répandre sur le tapis du salon à la grande joie de la maîtresse de maison !

L’électricité vint après la première guerre mondiale, à ce moment le courant distribué était du courant continu 110 volts. Pour faire fonctionner les premiers trains électriques, on utilisait un rhéostat en série avec une lampe limitant la tension. Malgré cela, on envoyait entre 55 et 70 volts dans le rail de contact : on frémit encore. Alors qu'aujourd’hui un pauvre nounours doit presque passer dans un haut-fourneau avant d’être mis sur le marché. Il n’y a jamais eu d’accidents mortels mais de violentes secousses lorsque par mégarde on touchait la voie sous tension.
L’arrivée du courant alternatif permit, grâce au transformateur, de ramener cette tension à la valeur inoffensive de 20 volts. Après guerre, le redresseur silicium permettra d’utiliser le courant continu 20 volts pour inverser les machines à distance.

2. Principes de base des trains jouets.

L’attrait du chemin de fer sur les enfants et les grandes personnes était énorme entre les deux guerres. Le Chemin de Fer c’était les grands voyages, le rêve de contrées lointaines et le seul moyen de se déplacer. Les wagons-lits, les pullmans, les beaux restaurants bleus étaient réservés à une riche clientèle et pratiquement inaccessible pour les autres. Le rêve parvenait, au moyen de ces wagons en tôle, dans tous les foyers car les fabricants voulaient s’adresser à toutes les couches sociales.

Comme au cinéma, on serait tenté de dire que toutes ressemblances avec une voiture ou une locomotive existante ne serait que fortuite et le fruit du hasard. La reproduction exacte d’un modèle n’était pas le souci du fabricant. il voulait vendre à toutes les catégories sociales et d’offrir du rêve.
Le principe de base est la tôle pliée et lithographiée agrafée sur un châssis. La longueur du châssis était fonction du porte-monnaie. Les séries bon marché offraient des wagons de 17 et 19 cm. Les séries "luxe", des wagons de 29 cm avec bogies zamac (pour les fabrications postérieures à 1950). Enfin la série "grand-luxe" des voitures de 35 cm.
Afin de donner un ordre de grandeur, une voiture Corail, strictement à l'échelle H0, mesure 33cm, alors que l'échelle d'alors est le double. Quoiqu’il en soit, le wagon lithographié était vendu avec des qualificatifs élogieux, même le bas de gamme avait une décoration soignée, les modèles plus nobles étaient "richement décorés".
Avec les emboutissages de tôles on obtenait toutes sortes de voitures, des lits, des restaurants, des pullmans, des fourgons (dont les portes s’ouvrent sur les modèles luxe ) et des voitures ordinaires de 2ème et 3ème classe. La boîte d’emballage contenait la fiche avec le numéro de l’ouvrière qui avait emballé le produit à Montreuil, preuve qu’une attention particulière avait été portée sur ce jouet.

Les wagons de marchandises avaient des longueurs de 12 ou 17 cm de châssis avec les classiques citernes, tombereaux, couverts, couverts avec vigie et d’autres plus originaux comme le wagon-projecteur : un 12 cm avec un projecteur, une lampe 20 volts et munis d’un frotteur. Un wagon-grue à essieux et un mixte couvert / grue à bogies, sans compter l’inévitable citerne de lait pour rappeler aux enfants qu’ils doivent boire du lait pour grandir…

3. Les locomotives : une recette économique !

La recette était simple : un mécanisme robuste constitué de deux essieux et d’un moteur était appliqué à tous les modèles. Ainsi, avec le même mécanisme, on obtenait une locomotive de rapide à tender, une 120 t ressemblant vaguement (moins 3 essieux) à une 141TC; une motrice "B " numérotée 8101; enfin, une fausse BB 8101 ayant quelques ressemblances avec le modèle existant dont on avait ajouté, devant et derrière le bogie moteur, un essieu de façon à avoir le nombre de roues exact (ce qui en faisait une 1B1 en réalité). Ce mode de fabrication permettait de faire de grande série et de baisser les prix. Cette locomotive (qui fut ma première machine électrique ) valait 6.930 F anciens. La paye d’un ouvrier de l’époque était d’environ 28.000 Fr/mois !
Les séries les plus modestes étaient faites en tôle lithographiée, (la B et la 120 à tender) les autres en zamac étaient déjà beaucoup plus réalistes.
Les records du monde établi en 1954 et 1955 par la CC 7107 et les BB 9004 ont eu un énorme effet sur les ventes de trains de l’époque. La SNCF venait de franchir la barre des 300 km/h et la CC 7100 était une machine révolutionnaire pour ce temps. JEP décida de reproduire cette CC 7107. Pour la première fois, on abandonna le classique mécanisme, pour un bogie moteur spécialement étudié pour ce modèle. Il s’agissait de la catégorie "grand-luxe" avec deux moteurs ! Elle était vendue 11.500 F ! Presque un demi-mois de salaire ! JEP affirmait qu’elle pouvait tirer 20 wagons de 35 cm (!) ou 40 wagons de marchandises !! A moins de posséder un hôtel particulier à Neuilly, personne ne pouvait aligner de telle composition dans la crise du logement de l’après-guerre.

4. Le courant continu et la "télécommande".

La série "60" commercialisé par JEP était "télécommandée" : un argument de vente qui mérite une petite explication.
Depuis la fin des années 30, le courant alternatif 20 volts avait remplacé les trains à rhéostat avec lampe diviseuse, les locomotives étaient munies de moteur universel avec induit et inducteur en série. Comme vous l’avez appris en électrotechnique pour inverser le sens de marche, il faut inverser le courant dans l’inducteur ou dans l’induit. Sur ces machines, on trouve donc un inverseur qui permet cette opération.
JEP a inventé le fameux moteur AP5 dans lequel l’inducteur est constitué d’un aimant permanent à polarité fixe. En redressant le courant à la sortie du transformateur, on envoie un courant de polarité fixe dans l’induit. Le seul fait d’alimenter l’induit sous une autre polarité provoque le changement de sens de rotation, l’aimant restant toujours polarisé sur le même sens. Ainsi sont nées les machines "télécommandées".

A suivre

La suite du train jouet :

  • La 141 P JEP et la fin du "Tin Plate"
  • Les collectionneurs de "Tin Plate" et le marché de l’occasion

Légende des photos

PH1 : Différents wagons JEP. Autre premier plan : modèle de base et modèle allongé 19 cm. Derrière, série luxe voiture de 29 cm et poste grand luxe 35 cm

PH2 : Même moteur pour ces quatre locomotives série économique en tôle ; derrière, série luxe en zamac

PH3 : Deux motrices à courant alternatif. Remarquez l’inverseur manuel pour changer le sens du courant dans l’inducteur. Si la 8104 ressemble un peu à la vraie, la 2D2 est une reproduction fantaisiste de la 5500 du PO.

Texte et photos Jean Pierre CHABERT

 

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